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5 juillet, jour de l’indépendance du Venezuela : portraits des femmes impliquées


Écrit par Delphine During et Augustine Nenetrier.

Le Venezuela se situe en Amérique du Sud, ce territoire est plus grand que la France et l’Allemagne réunies. Christophe Colomb arrive au Venezuela en 1498. Ce sont les européens qui nomment ce territoire Venezuela, littéralement « petite Venise » car les habitants locaux construisaient des habitations sur l’eau. C’est en 1546 que l’Espagne possède officiellement le territoire. Des agriculteurs espagnols s’y installent pour faire pousser du maïs, du tabac, du sucre, du cacao et ils s’enrichissent de leur commerce. La société est gouvernée par des représentants de la royauté espagnole et des membres du clergé. Les Créoles (descendants d’européens nés en Amérique) possèdent richesse et territoires mais peu de pouvoir. Toutes les personnes non-blanches (métisses, esclaves noirs, indigènes) sont dominées et n’ont pas de statut social. Les différentes injustices imposées par l’administration espagnole (impôts, taxes…) ne plaisent pas aux Créoles. La déloyauté à la royauté est punie, on peut le voir dans le livre « Premios de la obediencia : castigos de la inobediencia » publié en 1782 par Azero. Poussés par le climat indépendantiste d’autres pays, comme la France et les États-Unis, et d’un affaiblissement du pouvoir royal en Espagne. Des groupes de Créoles se battent pour l’émancipation. Dans ces groupes il y a des généraux (comme Francisco de Miranda), de grands chefs (comme Simón Bolivar) mais également des femmes, figures féministes, héroïques qui ont pris part à la lutte.

 

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Josefa Camejo

 

Josefa Camejo naît le 18 mai 1791 dans une ferme à Paraguaná et y grandit, puis elle va à l’école des sœurs, dans un couvent, puis s’installe à Barinas avec sa mère et son oncle, qui est le secrétaire du mouvement indépendantiste de la “Junte Patriotique de Mérida”. Elle dirige un groupe de femmes opposées aux royalistes et participe à des activités clandestines. Elle signe la pétition intitulée “Representación que hace el Bello Sexo al Gobierno de Barinas”. Il y est écrit

“El sexo femenino, señor, no teme los horrores de la guerra: el estallido del cañón no hará más que alentarle, su fuego encenderá el deseo de su libertad, que sostendrá a toda costa en obsequio del suelo patrio”

(Le sexe féminin, monsieur, ne craint pas les horreurs de la guerre : le souffle du canon ne fera que l’encourager, son feu allumera le désir de sa liberté, qui tiendra à tout prix en faveur de sa patrie).

Les femmes s’engagent à défendre la ville de Barinas, qui redoute l’invasion des royalistes. En 1813 elle épouse le colonel Juan Nepomuceno Briceño Méndez. La ville de Barinas est assiégée et Josefa doit fuir avec les troupes, déguisée en homme, avec sa mère et une amie. Pendant le voyage, elle soigne les soldats blessés. En 1821, à la tête de 300 esclaves travaillant dans son troupeau de Paraguaná, elle fait une rébellion contre les forces royalistes de la province, mais ils ne réussissent pas, elle du se jeter à la mer pour s’enfuir.. Le 3 mai 1821, accompagnée de 15 hommes, elle se présente à Baraived, dans la province de Coro, où se trouve le chef royaliste Chepito González, qu’elle affronte et vainc ! Après la déclaration de l’Indépendance, elle se retire pour vivre avec sa famille dans son domaine et meurt le 5 juillet 1862.

 

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En 2002, lors de la journée internationale de la femme, sa dépouille entre au Panthéon national du Venezuela. En hommage, elle est aussi représentée sur les billets de banque du pays. De plus, le 3 mai 2023 le président Nicolás Maduro posta un message sur twitter pour commémorer les 202 ans du soulèvement de la province de Coro pour l’indépendance.

 

Juana Ramírez

 

Juana Ramírez naît le 12 janvier 1790 en tant qu’esclave à Chaguaramal. Jusqu’en 1813 elle est blanchisseuse de linge dans la ville de Maturín. Sa mère est une esclave noire originaire de Guadeloupe et son père est supposé être un général espagnol. Lorsque la ville est attaquée par Domingo de Monteverde (un militaire et administrateur colonial) elle dirige la Batería de las Mujeres, un groupe d’une centaine de femmes qui luttent aux côtés de hommes pour défendre l’indépendance. Le 25 mai 1813, lors de la bataille de “Alto de los Godos”, Juana est la première à s’avancer courageusement vers l’ennemi, ce qui lui vaut le surnom de “la Avanzadora”. Lorsque que les troupes n’ont plus de munitions, ce sont les femmes qui attaquent Monteverde, qui doit fuir devant une telle attaque. Lors du combat, sous une pluie de balles, Juana aurait arraché son épée à un général espagnol mort. Elle brandit l’épée en signe de victoire (pose qu’on peut voir sur sa statue à Maturin). Après les combats, elle s’occupe avec d’autres femmes de soigner les blessés et d’enterrer les morts, patriotes comme royalistes. Malgré l’héroïsme de la population, la ville est prise par les troupes espagnoles. Juana part dans la campagne où elle mène des guérillas. Elle retourne à Maturin en 1816, et participe à la reconstruction de la ville qui a été rasée par les royalistes. En 2015, sa dépouille est entrée au Panthéon, et elle est la première femme noire enterrée dans le mausolé national des héros.

 

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Manuela Sáenz

 

Manuela Sáenz née le 27 décembre 1797, elle grandit au couvent des Monjas Conceptas, duquel elle s’enfuie à l’âge de 17 ans. Alors qu’elle a 24 ans, elle s’intéresse à la politique et s’engage en faveur de l’indépendance du Pérou. Elle se voit décerner le titre de  » Chevalière de l’ordre du Soleil «  du Pérou par José de San Martin (annonciateur de l’indépendance du Pérou). Cependant, quelques mois plus tard, elle se voit dans l’obligation de retourner à Quito, sa ville natale, suite au décès d’une tante et y rencontre Simón Bolívar le 16 juin 1822 ; c’est le coup de foudre. Elle décide alors de rester auprès de lui, à l’encontre de son mari James Thorne, qui souhaite son retour. Bien plus qu’une militante, Manuela Sáenz s’implique passionnément dans les campagnes de Bolívar, connu pour avoir grandement contribué à la libération de nombreux pays sud-américains tels que le Venezuela, la Bolivie… Ainsi, elle atteint le grade de colonel de l’armée d’indépendance. En parallèle, elle s’engage dans le relai des informations au cœur du réseau révolutionnaire, milite en faveur de la cause des femmes, et exerce la dangereuse tâche qu’est l’espionnage. Elle parvient même à sauver la vie de Simón Bolívar : en septembre 1828, lorsque Bolívar est ciblé par une attaque visant à le tuer, elle le persuade de ne pas les combattre et de s’échapper par la fenêtre, tandis qu’elle répondait de manière faussement naïve et imprécise aux questions des conspirateurs attaquants. Cet acte de bravoure lui a valu un surnom de la part de Bolívar : « la libératrice du libérateur ».

 

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Manuela Sáenz portant l’insigne de l’ordre du Soleil

 

Luisa Caceres de Arismendi

 

Luisa Cáceres de Arismendi est une héroïne vénézuélienne ayant notamment lutté -avec grande conviction- en faveur de l’indépendance du Venezuela.

Elle naît le 25 septembre 1799 à Caracas, la capitale du Venezuela. Elle bénéficie d’une bonne éducation dès son plus jeune âge grâce notamment à son père, qui lui apprend à lire et écrire mais lui transmet également des valeurs et principes qui guideront plus tard ses actions. Mais le 6 mars 1814, les soldats de Francisco Rosete (un chef royaliste) tuent le père de Luisa alors qu’il se trouvait dans la garnison d’Ocumare, invité par un commandant nommé Juan José Toro. dix jours plus tard, son frère se fait exécuter à la suite de la défaite les troupes de Juan Bautista Arismendi (futur mari de Luisa Cáceres de Arismendi et directeur du commandement militaire de Caracas) venues défendre les patriotes assassinés le 6 mars à Ocumare. En conséquence de ces évènements, nombreuses sont les personnes ayant décidé de fuir, dont la famille de Luisa. Malheureusement, elle perd à l’issue de la traversée trois tantes. Luisa, sa mère et son petit frère, atteignent une l’île Margarita où leur protection est assurée par Juan Bautista Arismendi. Luisa et Juan Bautista se marient dans l’insécurité le 4 décembre 1814. Environ un an plus tard, Luisa est arrêtée par les autorités espagnoles qui ont repris possession de l’île, en raison de sa liaison avec Arismendi qui constituait une cible pour les Espagnols, exerçant ainsi un moyen de pression sur Arismendi. Elle accouche d’une fille dans la prison de Santa Rosa, qui meurt à la naissance. Luisa est ensuite envoyée à la forteresse de Pampatar, puis La Guaira, et dans un couvent à Caracas en 1816. Elle est finalement transférée à Cadix en décembre 1816 après les victoires des forces républicaines menées par son mari et José Antonio Páez. Elle retourne au Venezuela en 1818 dès sa libération, accueillie et honorée pour avoir soutenu ses idées républicaines et de liberté. Perçue comme une héroïne, elle entre au Panthéon national en 1876.

Ainsi, bien que victime d’une terrible tragédie qui la poursuivit tout au long de sa vie, Luisa Cáceres de Arismendi n’a pourtant jamais renoncé à ses principes et idées, témoignant ainsi de sa force et de son courage. En signe de reconnaissance, des billets de banque à son effigie ont été produits, et une plaque commémorative a également été érigée à Santa Rosa (voir images ci-contre).

 

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Pour aller plus loin …

 

Le film espagnol-venezuélien Libertador, sorti en 2013, retrace l’épopée de Simón Bolívar et plus généralement l’histoire de l’indépendance du Venezuela (scénarisée), sous la direction d’Alberto Alvero. Cette réalisation soutient le fait que l’Espagne est aujourd’hui dans l’état d’esprit de reconnaître et de communiquer les erreurs qui ont été faites dans le passé envers le Venezuela, afin que de telles situations ne se reproduisent plus dans le futur.

 

 

De cette période tourmentée qu’a été le début du XIXème siècle au Venezuela est né un drapeau, qui deviendra le drapeau vénézuélien, dont les trois couleurs – le jaune, le bleu et le rouge – représentent respectivement l’amour pour la patrie, la mer et le sang versé pour l’obtention de l’indépendance. Après la déclaration d’indépendance du Venezuela, toutes les liaisons avec le royaume d’Espagne ont été coupées, mais certaines relations ont été retrouvées en 1845 à l’occasion de la signature d’un traité de paix et d’amitié. Ultérieurement, une grande instabilité politique accompagnée de luttes internes se mit en place, menant à la dissolution de la Grande Colombie (1819-1831), et à la constitution d’un Venezuela souverain et indépendant. Par la suite, des gouverneurs des partis conservateurs comme José Antonio Páez, libéraux comme José Gregorio Monagas, ou sans étiquette comme Pedro Gual Escandón se sont succédés à la tête du Venezuela, dont le statut a fortement évolué avec le temps ; plusieurs Républiques et Etats se sont suivis pour laisser place à la République bolivarienne du Venezuela, établissant ainsi un gouvernement fondé sur un modèle républicain, représentatif et fédéral, inspiré du modèle américain de 1787. Le président actuel Nicolás Maduro Moros, membre du PSUV, le parti socialiste unifié du Venezuela, se présente aux élections présidentielles qui auront lieu le 28 juillet 2024, dans l’optique d’obtenir un troisième mandat. De plus, l’anti-chaviste Maria Corina Machado, leader de l’opposition, a dénoncé, le 17 juin, l’arrestation ou détention de 37 militants politiques, en évoquant « un régime qui criminalise l’activité politique et la campagne électorale ». Les tensions politiques au sein du pays sont actuellement élevées.

De nos jours, les droits des femmes ont progressé dans un grand nombre de pays. Au Venezuela, de nouvelles législations ont été adoptées en 2021 dans l’objectif de favoriser les études scientifiques pour les filles par exemple. Malgré cela, les violences ainsi que le harcèlement de rue perdurent, des discriminations scolaires envers les femmes en situation de handicap, autochtones ou migrantes sont à déplorer. Cependant, les actions des femmes héroïques, révolutionnaires, telles que celles évoquées tout au long de cet article sont reconnues, telle qu’en témoigne leur entrée au Panthéon national ainsi que les plaques commémoratives et les représentations sur les billets de banque.

Enfin, l’acquisition de l’indépendance du Venezuela, commémorée lors de la fête nationale le 5 juillet, a profondément marqué l’histoire de ce pays, traçant un avenir politique et culturel riche et diversifié, construisant une identité propre à ce territoire, qui, grâce aux femmes et hommes révolutionnaires dont la bataille, s’est développé dès la sortie de la domination espagnole.

 

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Drapeau de la Première République (1811)

 

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Sources :

 

– Azero, R. (1782) Rewards for Obedience, Punishment for Disobedience. Santa Fé de Bogotá: D. Antonio Espinosa de los Monteros. from the Library of Congress, https://www.loc.gov/item/2021666807/

– Hondius, H. (1612) Venezuela with the Southern Part of New Andalusia. [Place of Publication Not Identified: Publisher Not Identified, to 1699] from the Library of Congress, https://www.loc.gov/item/2021668501/

– DHV : diccionario de historia de Venezuela, minec.gob.ve, vtv.gob.ve, mincul.gob.ve

– https://www.britannica.com/biography/Manuela-Saenz

– https://www.atlasobscura.com/articles/manuela-saenz-female-revolutionary-latin-america

– https://latinoamerica21.com/en/9509-2/

– https://histoireparlesfemmes.com/2016/02/08/manuela-saenz-revolutionnaire-feministe/

– https://www.venezuelatuya.com/biografias/caceres_luisa.htm

– https://www.britannica.com/biography/Luisa-Caceres-de-Arismendi

– https://www.biografiasyvidas.com/biografia/c/caceres.htm

– https://venescope.com/2020/08/23/petites-et-grandes-histoires-des-drapeaux-venezuela-simon-bolivar -ou-le-reve-dune-grande-colombie/

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