26 Juin Benito Pérez Galdós, le génie méconnu
A l’occasion de la conférence qui aura lieu ce jeudi 28 juin, à 18h00, dans notre école de Rosa Amor del Olmo, nous souhaitons vous présenter la figure de l’écrivain Benito Pérez Galdós. Pour ce faire, nous avons utilisé des extraits sur l’auteur parus dans la web tels que « Books, l’actualité à la lumière des livres ( Michel André ) » et dans la Bibliothèque Nationale de France ( Fabiola Rodríguez López). L’image principale qui figure sur de cet article est celle de Galdós, peinte par Joaquín Sorolla à l’âge de 51 ans.
On connaît les films Viridiana et Tristana de Buñuel, moins l’écrivain qui les a inspirés. Et pourtant, ce contemporain de Zola est considéré comme le plus grand romancier espagnol après Cervantes.
« J’ai découvert alors un écrivain très cohérent politiquement, un républicain, qui en outre était un moderne en dialogue permanent avec le roman européen de son temps, avec Dickens, avec Balzac… » (Antonio Muñoz Molina)
Aux yeux de ses compatriotes, il est l’égal de Balzac et de Dickens, deux géants de la littérature qu’il admirait et qui l’ont fortement influencé. Benito Pérez Galdós est le plus grand écrivain espagnol du XIXe siècle : le plus grand depuis Cervantes, affirmait au siècle dernier l’essayiste Salvador de Madariaga ; un génie comparable à l’auteur de Don Quichotte, enchérit aujourd’hui le critique et romancier Andrés Trapiello.
Contemporain de Zola, Benito Pérez Galdós naquit en 1843 à Las Palmas de Gran Canaria, aux Canaries. Son père était colonel et sa mère une femme au très fort caractère, dure et exigeante, dont la personnalité allait le marquer durablement. Il était leur dixième enfant. Toute sa vie, il resta très lié à ses frères et sœurs, plus particulièrement à ces dernières, au point d’habiter à Madrid avec deux d’entre elles et leur mari.
Dans son livre Ensayos sobre Galdós, son ami l’écrivain Leopoldo Alas, surnommé « Clarín », écrit : « Et… nous ne savons rien sur l’enfance ni les premières années de puberté de Pérez Galdós, il dit seulement qu’au lycée il a fait des études avec de bons résultats scolaires, qu’il avait le goût pour la littérature depuis toujours mais sans avoir un but précis ». La rareté des informations connues sur cette époque de jeunesse est peut-être liée à sa réserve naturelle et à un souci de préserver son intimité.
En 1863, à 19 ans, Galdós arrive à Madrid pour faire des études de droit. « Je fais mes études de droit à contrecœur », confiera-il à Clarín. Il fréquente l’Ateneo de Madrid où il s’instruit en salle de lecture et en salle des périodiques. Il est élu membre de cette institution le 30 novembre 1865. Il fréquente aussi les bibliothèques publiques, des archives et des collections particulières. Il entretient une correspondance avec de nombreux intellectuels. En 1868, il abandonne son droit pour se consacrer à l’écriture. Il effectue de nombreux voyages, tant dans la péninsule Ibérique qu’en Europe : Paris, Lisbonne, Londres, Édimbourg, Roma, Berlin…, mais aussi Tanger où il recueille des informations qui serviront à la rédaction d’un des Épisodes nationaux intitulé Aita-Tettauen, publié en 1905.
Son entrée en littérature se fit par l’intermédiaire du journalisme. C’est dans ses multiples articles pour La Nación, El Debate, Revista de España et d’autres publications qu’il forgea ses moyens d’expression. Et c’est par leur truchement qu’il pénétra dans ce monde foisonnant de faits, de situations et de sentiments qui allait constituer la matière de son œuvre : les affaires judiciaires et les litiges commerciaux, les drames familiaux, les ambitions bourgeoises et la lutte pour l’existence des petits boutiquiers, la vie intense et animée des cafés et les rivalités politiques.
Pérez Galdós est considéré comme l’un des meilleurs romanciers de langue espagnole avec Cervantès. Il est le plus grand représentant du courant réaliste-naturaliste en Espagne. Son œuvre, immense, se compose d’environ 100 romans, de 30 pièces de théâtre, d’une importante somme de contes, d’articles et d’essais. Les thèmes choisis sont multiples : la littérature, la société contemporaine, la politique, la musique, mais aussi, quoique dans une moindre mesure, la peinture, la religion, les sciences et même les loisirs.
Benito Pérez Galdós fut élu membre de la Real Academia Española en 1889, son intégration dans cette institution ayant été un temps empêché par l’aile conservatrice, qui s’opposa également à sa candidature au prix Nobel de littérature.
La politique
L’écrivain adhère au Parti progressiste de Práxedes Mateo Sagasta, homme politique libéral et franc-maçon. Il est élu député en 1886 pour la municipalité de Guayama de Puerto Rico, ancienne colonie espagnole, qu’il ne connaîtra jamais.
Au début du XXe siècle, il intègre le Partido Republicano et durant les législatures de 1907 et 1910, il est député des Cortes de Madrid pour l’union Republicano Socialista. En 1914, il est élu député de sa ville natale, Las Palmas de Gran Canaria.
Galdós était choqué par les abus de pouvoir du clergé espagnol et ses positions autoritaires en matière de morale et de mœurs. Il se définissait pourtant comme un homme « pratique dans la vie, et religieux dans [sa] conscience ». Influencé dans sa jeunesse par les idéaux du philosophe et théoricien de l’éducation Francisco Giner de los Ríos, il était un libéral et un humaniste attaché à la liberté, au rationalisme, à la tolérance et à la justice. Proche au départ des républicains réformistes mais déçu par leurs querelles intestines, leur comportement souvent intéressé et leur absence d’idéaux, il s’éloigna progressivement d’eux. Avec le temps, ses idées se radicalisèrent jusqu’à lui faire éprouver de la sympathie pour le socialisme de Pablo Iglesias, fondateur du Parti socialiste ouvrier espagnol. Mais jamais il ne fut un révolutionnaire, ni même, bien qu’ayant été élu député à plusieurs reprises, un politicien.
Les personnages de Galdós
Les personnages de Galdós composent une photographie de la société madrilène de la seconde moitié du XIXe siècle : commerçants, fonctionnaires, rentiers, militaires, artisans, professeurs. Et, avec eux, tous les anonymes qui n’ont ni travail ni patrimoine, les « sin oficio ni beneficio », comme on dit en espagnol, les mendiants, les indigents, les marginaux . Il est le peintre de l’entrée de l’Espagne dans la modernité et, au centre de son attention, figurent les classes moyennes.
L’œuvre romanesque de Galdós
On distingue généralement trois cycles dans l’œuvre romanesque de Galdós : les romans à thèse de sa jeunesse, les romans de la maturité et les romans tardifs, dans lesquels les conflits sociaux et psychologiques acquièrent une dimension spirituelle. Dans tous, Galdós a recours à un ensemble de procédés souvent inédits, tels ceux que décrit Yolanda Arencibia à propos de La desheredada, le premier des romans de la maturité : « le soliloque, le monologue intérieur, la narration dramatisée […], la différentiation des plans de narration […], le dialogue dramatique ». Ils lui permettent de raconter l’histoire de l’extérieur et de l’intérieur, en entrant et sortant de la tête des personnages et en confrontant leurs agissements et leurs sentiments.
Les deux sommets de l’œuvre de fiction de Galdós sont Fortunata et Jacinta, drame social et sentimental complexe à multiples rebondissements fondé sur le triangle classique mari-épouse-maîtresse qui est en même temps un tableau cruel de la bonne société madrilène ; et Miséricorde, drame de la misère et de la compassion dont l’action se déroule dans le Madrid des bourgeois déclassés et des bas-fonds et que la philosophe Maria Zambrano considérait comme le cœur même de son œuvre.
Les Épisodes nationaux sont composés de cinq séries de romans historiques, consacrée chacune à un moment particulier de l’histoire de l’Espagne au xixe siècle : la guerre d’indépendance contre la France de Napoléon Ier, la lutte entre absolutistes et libéraux, la première guerre carliste, la révolution de 1848 et le règne d’Isabelle II, la Ire République et la restauration des Bourbons. Galdós, qui avait entamé ce projet un peu par hasard, le poursuivit dans l’intention d’instruire les Espagnols qui, disait-il, n’ignorent rien autant que l’histoire de leur pays. Pour composer ces romans, qui mêlent figures historiques et de fiction, il utilisa le procédé du personnage récurrent hérité de Balzac. Avant de les rédiger, il étudiait soigneusement la documentation disponible, visitait les lieux évoqués dans le récit et interrogeait tous ceux qui pouvaient lui fournir des informations intéressantes sur les faits racontés. Très appréciés des lecteurs, les Épisodes nationaux firent beaucoup pour la popularité de Galdós et la vente de ces ouvrages lui assura des rentrées importantes.
C’est au théâtre qu’il débuta et acheva sa carrière littéraire. Il écrivait des pièces en vue d’atteindre un public très large, mais aussi parce qu’il éprouvait le besoin de moderniser le théâtre espagnol, qu’il estimait paralysé par une tradition poussiéreuse et des conventions rigides. On lui reconnaît le mérite d’avoir introduit sur la scène madrilène une série d’innovations dans la conception et les thèmes de l’art dramatique. Ses pièces, souvent tirées de ses romans, bénéficièrent d’un accueil chaleureux, voire enthousiaste. L’une d’entre elles, Electra, dans laquelle il affirmait avoir condensé tout son combat contre la superstition et le fanatisme, remporta un grand succès mais fut férocement critiquée par les milieux cléricaux, qui la jugèrent antireligieuse.
Le prix Nobel de littérature
Ses dernières années furent pénibles, marquées par les avanies de la vieillesse et les affres de la maladie. Sa vision se détériora progressivement et il dut être opéré de la cataracte à l’œil gauche, puis au droit. En vain, puisqu’au bout d’un certain temps il perdit complètement la vue et se trouva réduit à dicter ses livres et son courrier. Souffrant de divers maux physiques, il ne se déplaça bientôt plus qu’avec peine.
Il lui devint par ailleurs difficile de soutenir le train de vie dispendieux auquel il était habitué. C’est une des raisons pour lesquelles plusieurs de ses amis menèrent campagne pour lui faire obtenir le prix Nobel de littérature. Leurs efforts furent entravés par les manœuvres des milieux catholiques. Une souscription publique en sa faveur avait été ouverte, qui ne rapporta qu’une partie de la somme attendue ; mais il bénéficia d’une aide allouée par l’État. Ces diverses vicissitudes et son impression que ses forces créatives s’épuisaient altérèrent son caractère, qui s’aigrit, et son humeur, qui s’assombrit. Un an avant sa mort, il eut toutefois la joie d’assister à l’inauguration d’une statue à son effigie dans le parc du Retiro, à Madrid.
Lors de son décès, en 1920, la ferveur populaire fut intense. Trente mille personnes assistèrent à ses obsèques. Les hommages officiels furent nombreux, comme ceux du milieu littéraire. Galdós était admiré par ses pairs. Certains des membres de la génération de 1898 – le philosophe Miguel de Unamuno, l’essayiste Azorín, les écrivains Ramón María del Valle-Inclán et Pío Baroja émirent parfois des jugements sévères à son sujet. Mais leurs désaccords étaient de nature artistique et n’impliquaient aucune mise en cause de son talent. Le poète Antonio Machado plaçait son œuvre très haut, tout comme les membres de la « génération de 1914 » José Ortega y Gasset, Gregorio Marañón et Ramón Pérez de Ayala.
Peu traduit, Galdós est essentiellement connu à l’étranger grâce aux films de Luis Buñuel Nazarín, Viridiana et Tristana, adaptations de trois de ses romans de la dernière période. En Espagne, il est aujourd’hui révéré comme un créateur puissant, le témoin privilégié d’une époque et l’auteur d’une fresque historique passionnante.
Plus d’information
– https://data.bnf.fr/fr/11919129/benito_perez_galdos/
– http://www.casamuseoperezgaldos.com/fr
– https://www.bne.es/es/agenda
*Cet article, qui a un intérêt purement informatif et éducatif, a été compilé à partir de divers fragments d’articles parus dans « Books, l’actualité à la lumière des livres (Michel André ) » et dans la Bibliothèque Nationale de France ( Fabiola Rodríguez López).
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